Sarinagara signifie cependant. Ce mot est le dernier d'un des plus célèbres poèmes de la littérature japonaise. Lorsqu'il l'écrit, Kobayashi Issa vient de perdre son unique enfant : oui, tout est néant, dit-il. Mais mystérieusement, Issa ajoute à son poème ce dernier mot dont il laisse la signification suspendue dans le vide.
L'énigme du mot sarinagara est l'objet du roman qui unit trois histoires : celles de Kobayashi Issa (1763-1827), le dernier des grands maîtres dans l'art du haïku, de Natsume Sôseki (1867-1916), l'inventeur du roman japonais moderne, et de Yamahata Yosuke (1917-1966), qui fut le premier à photographier les victimes et les ruines de Nagasaki. Ces trois vies rêvées forment la matière dont un individu peut parfois espérer survivre à l'épreuve de la vérité la plus déchirante.
Loin des représentations habituelles du Japon, plus loin encore des discours actuels sur le deuil et sur l'art, dans la plus exacte fidélité à une expérience qui exige cependant d'être exprimée chaque fois de façon différente et nouvelle, le texte de Philippe Forest raconte comment se réalise un rêve d'enfant. Entraînant avec lui le lecteur de Paris à Kyôto puis de Tôkyô à Kôbe, lui faisant traverser le temps de l'existence et celui de l'Histoire, ce roman reconduit le rêveur vers le lieu, singulièrement situé de l'autre côté de la terre, où se tient son souvenir le plus ancien : là où l'oubli abrite étrangement en lui la mémoire vivante du désir.
Après un coup de cœur, c’est toujours difficile de rebondir niveau lecture. On a peur de tomber sur un roman qui ne soit pas à la hauteur de nos attentes, qui soit moins bien, moins attrayant. Pour éviter cela, soit vous tentez le coup en lisant un auteur dont vous êtes sûr d’aimer, ou alors, vous changez complètement d’univers. J’ai pris la deuxième option avec Sarinagara, livre plébiscité par un ancien collègue.
J’avoue ne pas avoir bien compris l’intérêt de ce livre au début. Quand on lit la quatrième de couverture, on pense que ce sera une sorte d’essai sur un auteur japonais que Philippe Forest connait à travers ses œuvres, et plus les pages se tournent, plus on a des noms qui arrivent en masse, puis le besoin de l’auteur français de partir au pays du soleil levant pour ses recherches.
Que l’on soit connaisseur ou pas de la littérature japonaise, on découvre un réel intérêt pour cette faction, on veut en apprendre davantage. Je connaissais déjà certains auteurs cités et cela m’a fait bizarre de découvrir des aspects de leur vie qui change ma vision. On aime un auteur pour ses écrits, pas forcément pour son comportement en société. Bien que certains détails m’aient dérangé, c’est le but final de ce roman qui était perturbant.
Pourquoi parler d’un auteur en particulier, d’un poème avec une interrogation précise pour ensuite digresser vers d’autres auteurs ? Puis on comprend. On comprend le besoin de Philippe Forest de donner ces comparaisons, de vider son sac, d’analyser de manière universitaire son malheur, mais aussi celui des écrivains étrangers qui partagent la même douleur.
A sa manière, l’auteur français a écrit son autobiographie, il s’est livré. C’est une confiance qui s’installe entre l’auteur et ses lecteurs. C’est un beau roman que je garderai précieusement dans ma bibliothèque.
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