«Je veux faire sentir sans cesse que je me sens comme étranger au monde et à ses cultes», écrit Baudelaire à sa mère, le 5 juin 1863, dans une lettre où il explique le projet de Mon cœur mis à nu. En effet, le «cœur» qu’il met à nu n’est pas un cœur qui s'épanche en émois ou qui révèle ses secrets. C’est un cœur qui se gonfle de ressentiments.
Seules quelques notes ont été conservées de ce livre «rêvé». On y trouve la trace d’une pensée provocatrice et paradoxale, dans une forme concentrée. Ces fragments n'en sont pas moins, comme l’écrivait leur premier éditeur, Eugène Crépet, en 1887, «le résumé de la vie intellectuelle et morale du poète». S’ouvre avec eux une seconde vie de l’œuvre de Baudelaire, plus fantasmée qu’accomplie, traversant ces années au cours desquelles le poète se recrée dans ce qui le détruit.
Ah Baudelaire ! L’homme qui a su trouver du Beau dans le Laid ! Le voilà réédité avec une nouvelle couverture chez Folio. Alors rassurez-vous, le livre est complet car il présente de nombreuses notes et une préface impressionnante, mais si vous êtes comme moi à vouloir d’abord entrer dans ses textes, c’est possible et très rapide.
Le livre est découpé en plusieurs catégories :
Fusées : très décousu, il y a parfois un lien entre les extraits mais c’est souvent très mince. Il y a également un retour au romantisme qui le caractérise tant, avec ses textes qui dénoncent, ses comparaisons entre l’homme et la bête. Il y a au final peu de texte non abouti, mais on trouve un texte quasi prophétique avec son discours sur le capitalisme.
Mon cœur mis à nu : plus politique comme discours, donc moins décousu que le premier recueil. Baudelaire a de quoi se faire détester ici, surtout lorsqu’il critique George Sand. Mais elle n’est pas la seule à en prendre pour son grade, il dénonce tout le monde, et surtout le monde politique, où certaines vérités sont malheureusement encore d’actualité. Ici, c’est une sorte de règlement de compte, avec un côté critique très prononcé qui rend l’auteur très froid, l’admiration qu’on peut avoir pour lui est en baisse.
Quant au reste du livre, les quelques maximes demandent réflexions…
Dans l’ensemble, je dois dire que je suis assez surprise. Baudelaire est une référence du mouvement romantique et nombreux sont ceux qui apprécient sa poésie. Néanmoins ce recueil ne va pas dans ce sens. On découvre un homme critique, n’hésitant pas à donner son opinion sur divers sujets. Ce livre le rend plus humain, lui qu’on mettait presque sur un piédestal.
C’est déroutant et en même temps nécessaire pour le connaître davantage. Donc oui, c’est perturbant, mais le poète l’était davantage. A retenir des beaux textes qui, malheureusement, font écho aujourd’hui.
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