Enfance - Nathalie Sarraute

Ce livre est écrit sous la forme d'un dialogue entre Nathalie Sarraute et son double qui, par ses mises en garde, ses scrupules, ses interrogations, son insistance, l'aide à faire surgir «quelques moments, quelques mouvements encore intacts, assez forts pour se dégager de cette couche protectrice qui les conserve, de ces épaisseurs [...] ouatées qui se défont et disparaissent avec l'enfance». Enfance passée entre Paris, Ivanovo, en Russie, la Suisse, Saint-Pétersbourg et de nouveau Paris.Un livre où l'on peut voir se dessiner déjà le futur grand écrivain qui donnera plus tard une œuvre dont la sonorité est unique à notre époque.

Comment ne pas vouloir parler de soi après la lecture de ce roman autobiographique ? J’ai du mal à avoir la volonté de parler de l’œuvre car elle demande davantage de raisonnement que d’interprétation du texte, sans oublier la présence de mes souvenirs qui refont surface. En général, analyser l’écriture d’un auteur peut sembler facile, ici, je ne pense pas y arriver.

L’auteur a la manie, lors des anecdotes annoncées, de répéter certaines phrases ou certains mots afin de leur donner de l’importance, faire sortir l’essence même de son langage.

Autre point important, l’auteur arrive brillamment à faire la distinction entre Natacha enfant, avec des souvenirs encore bien présents et bien détaillés, et Nathalie adulte qui développe ses avis à l’aide d’un dialogue avec une sorte de Moi profond.

Alors qu’on parle de son enfance, comme le titre l’indique, on arrive pourtant à se retrouver dans certains de ses souvenirs, selon la situation décrite, rapprochant ainsi le lecteur à l’auteur.

Très beau livre, il est bien différent de L’Usage de la Parole, sorte d’essai sur le langage, les expressions de la vie courante et leur réelle significations, celle qui nous échappe mais qui nous parait évidente à la fois.

Ces deux romans peuvent paraître gênants à cause du manque d’action, ce qui est normal puisque ce ne sont pas des romans de fiction. On retrouve en revanche le goût de l’auteur pour accentuer les phrases qui l’ont marquée, mettre le doigt sur ce qui peut nous faire réagir.

En une semaine, j’ai pu découvrir une auteure reconnue par les intellectuels  avec deux livres que l’on pourrait opposer, ou pas. Ma préférence va pour Enfance, que j’ai trouvée plus personnel et profond.