On a souvent voulu voir en Rutebeuf un prédécesseur de Villon : même gouaille caustique du poète parisien, même peinture caricaturale et apitoyée de soi-même. Certes, Rutebeuf a aussi, sur commande, mis sa poésie au service des grandes polémiques et des grandes causes de son temps (la crise de l'Université, les croisades, la piété). Il a composé avec Le Miracle de Théophile une des premières pièces de théâtre en français. Mais les vers qui restent en mémoire sont bien ceux où le poète, jouant sur les mots avec une facilité nerveuse et une lassitude nonchalante, égrène ses " soliloques du pauvre ", victime de la misère et prisonnier du vice.
Pour être honnête, c’est de loin le livre que l’on prend pour se divertir, à moins d’être en admiration devant la littérature du Moyen-âge (et encore). Cette œuvre recouvre tous les poèmes de Rutebeuf tout au long de sa vie.
Les thèmes principaux ? La religion, tout d’abord, qui tient une réelle importance en cette époque, Rutebeuf vivant sous le règne de Louis IX dit Saint Louis, mais il dénonce également les différents ordres religieux de son temps, qu’il considère comme hypocrites, avides d’argent, en oubliant le vœu de pauvreté que doivent faire les vrais chrétiens pour s’élever à la gloire de Dieu (c’est lui qui le dit !).
Sa vision du monde est négative. Pour lui, les vrais valeurs se perdent, un peu comme Pascal quelques siècles plus tard dans ses Pensées.
On remarque deux sortes de poèmes : ceux en quatrains et les « continuels ». Les premiers sont en général pour raconter la gloire ou pas de certains personnages connus tel que certains rois ou nobles, les seconds rapportent plus des histoires qu’on se racontait à l’époque.
Ecrit en ancien français (avec heureusement la traduction en français moderne juste à côté), Rutebeuf n’hésite pas à avoir recours au langage familier pour donner un avis direct, tranché. On lit l’opinion d’un noble qui ne semble pas vouloir mâcher ses mots, qui semble être honnête mais également avide d’être reconnu pour ses œuvres en marquant ses poèmes de son nom à l’intérieur-même des rimes (aussi pour une raison purement technique que nous n’aborderons pas ici).
Pas mal d’inégalité de longueur entre les poèmes, ce recueil se lit tout de même facilement en général, d’autant plus que le livre paraît gros à cause de l’édition bilingue, mais il n’en est rien. Œuvre conseillée aux étudiants essentiellement, mais également aux amateurs de littérature médiévale.
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